En dépit des marches, comme ici, la tentative du CTRI , en place depuis un an, de trouver des solutions, le mal reste profond. C’est à croire que le ver est dans le fruit depuis des lustre!
Par Georges P. Junior Nzamba
Le chômage des jeunes au Gabon est devenu une véritable bombe à retardement, une situation qui fragilise des familles entières et plombe l’avenir d’une jeunesse pourtant pleine de potentiel. Alors que le pays regorge de ressources naturelles et humaines, l’administration publique et privée se transforme en un système corrompu, où le clientélisme et la personnification du pouvoir décident du sort de milliers de jeunes en quête d’emploi.
Une jeunesse délaissée, piégée dans un labyrinthe d’espoir brisé: Au cœur de Libreville, Nzeng-Ayong, Owendo ou encore dans les villes de l’intérieur comme Franceville et Port-Gentil, les jeunes diplômés sont confrontés à la dure réalité du chômage. Selon les dernières statistiques de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), plus de 35 % des jeunes gabonais sont sans emploi, un taux alarmant qui place le pays parmi les mauvais élèves en Afrique en matière de gestion de l’emploi des jeunes. Ce chiffre, bien qu’éloquent, ne raconte qu’une partie de l’histoire. Il cache un mal profond: le clientélisme, qui gangrène l’administration et bloque tout espoir d’une insertion professionnelle juste et méritocratique.
Pour des milliers de jeunes diplômés, trouver un emploi au Gabon n’est plus qu’une question de compétences ou de diplômes. C’est surtout une affaire de relations, d’affinités politiques, ou d’allégeance aux personnalités influentes du pouvoir. «Sans un parrain dans l’administration, il est presque impossible de décrocher un emploi stable », confie Jean-René, un jeune diplômé en économie, au chômage depuis plus de trois ans malgré de multiples stages dans des entreprises publiques. «J’ai passé plusieurs concours d’entrée à la fonction publique, mais à chaque fois, ce sont les fils et les filles des personnalités qui sont retenus », ajoute-t-il avec amertume.
Le clientélisme : Un fléau qui ravage l’administration – Le système clientéliste n’est pas une nouveauté dans le paysage politique gabonais. Mais aujourd’hui, il atteint des sommets d’indécence. L’embauche dans la fonction publique n’est plus qu’une question de mérite, mais de loyauté envers certaines figures politiques. Les postes sont distribués non pas en fonction des compétences, mais en fonction des affinités familiales ou politiques. Les jeunes, qui ne bénéficient pas de ce réseau d’influence, se retrouvent ainsi condamnés à la précarité. « Je connais des amis qui ont eu leur emploi après avoir payé des pots-de-vin à des cadres dans l’administration », avoue Alice, une jeune diplômée en droit, sans emploi depuis quatre ans.
Selon un rapport de l’Observatoire National de l’Emploi, 65 % des emplois attribués dans la fonction publique entre 2020 et 2023 l’ont été à des personnes ayant des relations proches avec des autorités politiques. Ce favoritisme exacerbe la frustration des jeunes qui, après des années d’études, se retrouvent déclassés, méprisés, et obligés de se tourner vers le secteur informel pour subvenir à leurs besoins.
La précarité au sein des familles : Une bombe sociale à retardement –Le chômage des jeunes ne frappe pas seulement ces derniers, il affecte également l’ensemble de la structure familiale. De plus en plus de familles se retrouvent à devoir supporter leurs enfants adultes, incapables de subvenir à leurs besoins. «Mon fils a 28 ans, et il vit toujours à la maison. Il a fait des études d’ingénieur, mais n’a jamais trouvé d’emploi stable. Cela devient insoutenable pour nous. Nous avons tout sacrifié pour son éducation», témoigne Joséphine, une mère de famille habitant Port-Gentil.
Cette dépendance des jeunes envers leurs parents crée un climat de frustration familiale qui se ressent de plus en plus dans les quartiers populaires. Des jeunes diplômés, incapables de fonder une famille, de prendre leur envol, sombrent dans la dépression ou, pire encore, dans la délinquance. La montée des actes de violence, des cambriolages et des arnaques sur internet est directement liée à ce chômage de masse qui frappe la jeunesse gabonaise. «Si on ne trouve pas de travail, comment veut-on que l’on s’en sorte ? Certains n’ont d’autre choix que de se tourner vers des activités illégales », lance Ahmed, un jeune sans emploi depuis cinq ans, devenu vendeur de produits contrefaits.
L’urgence d’une réforme en profondeur: La jeunesse gabonaise, autrefois porteuse d’espoir et de renouveau, se retrouve prise dans un engrenage de précarité et d’incertitude. Pour sortir de cette spirale, il est urgent que le gouvernement revoie ses politiques d’embauche, qu’il mette fin à ce système de favoritisme qui gangrène l’administration publique.
Une véritable réforme du marché de l’emploi est nécessaire pour offrir aux jeunes un avenir digne de ce nom. Il est aussi impératif de promouvoir des initiatives entrepreneuriales soutenues par l’État pour encourager les jeunes à se tourner vers la création d’entreprises et la diversification des secteurs économiques. Les milliards de la manne pétrolière et minière ne doivent plus être gaspillés dans des projets pharaoniques, mais investis dans l’avenir de cette jeunesse délaissée.
Le chômage des jeunes n’est pas une fatalité, mais il le deviendra si les autorités continuent de fermer les yeux sur cette crise sociale qui menace l’équilibre du pays. Les jeunes gabonais méritent mieux que d’être les otages d’un système corrompu. Ils méritent d’avoir leur place dans la société, non en tant que spectateurs, mais en tant qu’acteurs du développement économique et social de leur nation.