Propos recueillis par
Aryse Nguema
La grosse fièvre relevée suite aux atrocités et massacres perpétrés au QG de Jean Ping, ne retombe pas, neuf ans après. Si ceux qui ont des noms influents ont été indemnisés sous une forme ou une autre par des promotions au Gouvernement, dans des institutions constitutionnelles, les administrations ; en revanche d’autres, sans grosse identité ou parapluie, croupissent dans la misère et la maladie, sans soins, dans l’indifférence totale de ceux-là qui les avaient incité à descendre dans la rue pour défendre leur vote ce jour-là, jusqu’à ce que l’irréparable arrive. Faute de soins, l’une des victimes trainerait une balle dans sa suisse, un autre du fer dans son bras placé depuis 2016 et qui n’a jamais été changé. Il y aurait d’autres cas des traumatisées suite aux viols et qui n’ont jamais été présentées à des psychologues ou autres spécialistes, pour les sortir de là.
La présidente de l’association Réconciliation, Claudine Aicha Tsoumbou, invite les plus hautes autorités de la 5e République à prendre en charge tous les blessés physiques et psychologiques de ce drame et non des récupérations à la tête du client, tous étant des Gabonais et de mettre en place une Commission nationale pour au moins réparer les victimes et laisser tomber les présumés coupables !
Question : Quelle présentation faites-vous de votre ONG Réconciliation ?
Réponse (Claudine Aicha Tsoumbou) : – L’Association Réconciliation est une Organisation non gouvernementale a vu le jour en 2025 ; et qui regroupe essentiellement les survivants au massacre perpétré au QG de Jean Ping, dans la nuit du 31 août au 1er Septembre 2016. Le Collectif a été créé le 6 septembre 2023 à Libreville. En février 2025 l’association Réconciliation est partie du collectif pour s’affirmer comme une association à part entière. Nous avons entrepris les démarches, certes mais de toutes les démarches faites par la société civile, c’était de récupérer le cahier avec la présidente de l’Association, donc par l’infirmière Claudine Aicha Tsoumbou que je suis. On ne s’était pas mis avec la société civile pour créer un collectif, non. C’est l’infirmière du QG de jean Ping qui remet les informations et toutes les démarches concernant les enquêtes à la société civile, notamment au Dr Sylvie Mbot, qui prend ces informations et va remettre à la société civile. En revanche, moi je les reprends à la demande de Jean Ping, pour les remettre à Annie Léa sous le contrôle de Jean Ping, parce que c’est lui qui me sort de la clinique Chambrier, pour dire qu’on a besoin du cahier pour faire constituer la cellule de crise. Le massacre s’est déroulé du 31 août au 4 septembre 2016. Parce que jusqu’au 4 septembre on enregistrait toujours des morts. J’allais ici et là pour ramasser er répertorier. Certains cadavres et des enlèvements qui continuaient à se faire. J’ai été enlevée le 19 septembre 2016. Je suis arrivée en exil au Cameroun le 5 octobre 2016.
Notre association milite en faveur de la mise en place d’une Commission nationale vérité, réparation et éventuellement réconciliation. Les membres de notre ONG sont essentiellement les victimes de la crise électorale de 2016. Que réclame l’association ? Qui sont ces personnes ? Nous sommes les victimes de la crise électorale de 2016, comme je l’ai dit tantôt. Nous pensons qu’une association porte mieux une affaire loin. Alors que les actions du collectif sont limitées. Nos objectifs, c’est de faire paraitre la vérité, la justice, de ramener, et d’établir la réconciliation entre ceux-là qui ont été blessés et l’Etat. C’est nous tous qui formons l’Etat et une réparation s’impose. Nous sommes de ceux-là qui ont pris consciences, pour que 2016 ne se reproduise pas en 2025.
Q.: Avez-vous quelques cas de vos membres à nous présenter ?
R: Nous sommes là, voici notre situation, les cas de tout un chacun depuis que nous sommes une association. Le blessé qui a perdu sa main s’appelle Mikael Remandé. Il a été retiré du lot pour aller se faire soigner en Turquie aux frais du Président de la République, donc aux frais de l’Etat gabonais. Emmanuel Moussounda a les balles au pied pour qui a perdu sa main. Jamal Eyi Bekale a un fer dans son bras. Nous avons Ovono Mba qui a les balles dans son corps. Pour ce qui me concerne, j’ai été abusée. Je suis traumatisée. Pour Solamite, l’on a écrasé ses orteils. Mme Mengue Messa qui a perdu son petit-frère. Le fils de Mr Nziengui a disparu. Il est sans nouvelle – jusqu’aujourd’hui. Il y a bien d’autres cas similaires.
Q.: Depuis un certain temps, vous avez pris l’initiative de rencontrer des Autorités de la Cinquième République et de leur parler des évènements de 2016 au QG de Jean Ping. Quel message voulez-vous passer et avez-vous été entendue ?
R.:-Il y a neuf ans le QG de Jean Ping, qui était notre leader politique et candidat à la présidentielle, avait été pris d’assaut par des soldats dans la nuit du 31 août au 1er septembre 2016. Il y a eu des morts, des blessés, des viols et des personnes qui sont toujours traumatisées jusqu’aujourd’hui par ce qu’ils avaient vu ou subi. Il y a eu le coup de libération des militaires, pour que ce qui s’est passé en 2016 ne se reproduise pas en 2023.
C’est suite au coup de libération que je suis rentrée au pays, parce que j’étais en exil au Cameroun. Ma vie était mise à prix, après qu’on a abusé de moi. Les reproches que l’ancien régime me faisait, c’est d’avoir pu sauver des vies au QG de Jean Ping, comme j’étais la seule infirmière présente, capable de dire ce que j’ai vu cette nuit et qui était gênant. C’est certainement pourquoi l’on voulait d’une manière ou d’une autre mettre fin à vie. Heureusement quelques bonnes volontés ont réussi à me sortir du pays.
La première action était d’organiser une journée de recueillement, pour rendre hommage aux victimes. Nous avons noté une sorte d’indifférence, de la part de ceux-là même (certains leaders politiques) qui avaient lancé des appels aux Gabonais de se mobiliser pour aller défendre leur vote.
La deuxième action, c’est notre plaidoyer auprès des hautes autorités et particulièrement ceux qui étaient du même bord politique que Jean Ping, à l’époque, afin qu’ils soutiennent notre proposition de mettre en place une Commission Nationale vérité, réparation et réconciliation. Figurez-vous qu’un seul président d’institution nous a reçus. C’est dire à quel point bon nombre de nos compatriotes sont indifférents de ce qui a bien pu arriver à ceux qui étaient à leurs services, dès lors qu’ils sont arrivés à leurs fins, ils les oublient.
Q: Quelles sont vos propositions pour sortir de ce drame ? Ou pensez-vous que certains du QG de Jean Ping ont été dédommagés, sous une forme ou une autre, et d’autres laissés à leurs propres sorts ?
R.: A beau enfoncer le clou, il en reste toujours quelque chose, nous allons continuer de nous battre pour expliquer ce qui s’est passé en 2016 au QG de Jean Ping, de plaider auprès du Président de la République pour qu’on mette la Commission en place, qu’on examine l’état de santé des victimes qui n’ont pas de grands noms, qu’on les soigne au même titre que les autres.
Lorsque vous regardez la haute administration, les deux chambres du parlement de Transition, le Conseil Economique, Social et Environnemental de Transition, vous comprenez que de nombreux proches de Jean Ping en 2016, en termes d’idéologie politique ont été promus et sont gravement payés. C’est comme s’ils avaient été dédommagés pour ce qu’ils ont vécu.
Pendant que d’autres victimes du même QG de Jean Ping, qui n’ont pas de nom qui sonne bien à l’oreille, attendent depuis 9 ans qu’on extrait une balle logée dans la cuisse, un fer à remplacer au bras, ajouter à cela une vie misérable. Je suis l’infirmière, mais j’ai subi un traumatisme en 2016 au point où je ne peux plus rien. L’on refuse de trouver un psychologue pour me sortir de là. Le traitement des victimes du QG de Jean Ping c’est deux poids deux mesures.
Nous avons, au niveau de notre association, établi un fichier sur les différentes catégories : Il y a des victimes économiques ; victimes psychologiques ; des orphelins. Nous les avons tous classés. Il nous faut des moyens pour poursuivre ce travail. C’est pourquoi nous souhaitons que l’Etat nous accompagne, mais rien n’apparait à l’horizon. Nous sommes conscients que l’Etat c’est nous tous.
En 2025 nous avons pris conscience au fait que ce n’est pas parce que nous avons été lésés par la Transition que nous mettre en marque des grandes activités du pays. Nous avons organisé une campagne de sensibilisation pour que les évènements de 2016 ne se reproduisent plus en 2025. Nous avons travaillé comme observateurs du PNUD lors du Référendum du 16 novembre 2024. Nous étions également observateurs du REDAX au cours de la présidentielle du 12 avril dernier.
Q.: Un mot pour terminer ?
R: Je vais laisser la Secrétaire conclure, mais avant je vais relever quelque chose. Quelle image certains membres de la société civile donnent-ils en étant juge et partie ?
Le président de la Cour Constitutionnelle, Assemblée Nationale SENAT, et tous sont au service de l’État. Quelle image la société civile donne en étant juge et partie ; Ils sont partout et à quel moment vous allez défendre sans émotion ? La société civile doit cesser d’être juge et partie. L’Etat aussi doit arrêter d’être juge et partie. Nous leur rappelons qu’ils sont là au service de l’Etat et c’est la continuité.
En prenant le pouvoir, Brice Clotaire Oligui Nguema avait déclaré : « Aidez-moi à être vrai ». Nous n’allons pas à reproduire les mêmes erreurs du passé.
Monsieur le Président de la République nous souhaitons que vous traitiez notre dossier, en mettant la Commission Nationale vérité, réparation et réconciliation. Cela va nous aider, nous apaiser. Parce que nous sommes tout le temps en train d’être maltraités.
En 2023 on a été insulté ; En 2024, on a été frappé, amenée au B2, n’eut été votre intervention, Monsieur le Président de la République, je serais toujours au Gros-Bouquet jusqu’aujourd’hui.
Mais pourtant ce qui m’a amené au B2 n’est pas résolu. Je suis encore dehors dans la rue en train de trainer une convocation que je vais répondre le 16 juin. Qu’est-ce qui ne dit pas que cette convocation n’a pas été mise en place pour m’étouffer et m’arrêter encore et on va m’envoyer de façon officielle en prison, oh pour dire, diffamation.
Le motif en 2024, c’était que j’ai cassé le pare-brise du Berlier des militaires. En 2025, c’est pour une diffamation. A chaque fois que je vais sortir, que les membres de la société civile vont s’exprimer, on va trouver des motifs à la présidente de l’ONG Réconciliation.
Un membre de la société civile, Georges Mpaga, qui porte plainte contre une autre, présidente d’une association sur un sujet à caractère public et non privé, sans être jamais venu rendre compte au collectif sur l’avancée du dossier qu’il avait à charge, plusieurs années durant.
Soulamithe Oye Nkizo’o (SGA) : C’est un dossier douloureux. A chaque fois qu’il est évoqué je ne cesse d’écraser une larme, parce que je réalise la cruauté de notre société civile, recevoir une plainte d’un leader de cette société civile veut dire que les évènements post–électoraux de 2016 sont désormais effacés de leurs têtes. C’est désormais une affaire classée !
L’association Réconciliation au sein de laquelle j’exerce depuis qu’elle a été créée, mise en place, ne cesse de crier, de revendiquer cette Commission qui doit être mise en place : la Commission justice, vérité, réparation et une éventuelle réconciliation. Mais telles que les choses sont en train de se faire, nous craignons pour nos vies.
Nous voulons le dire sur le plan national, sur le plan international, que ceux qui sont sensés nous aider, nous protéger, nous exposent davantage.
Nos vies sont en danger, nos vies sont menacées, alors que nous, nous posons un problème de droit de l’homme. C’est sur ces mots là que je peux conclure.