Par Georges Patrick Junior Nzamba
Après le Mali, le Burkina Faso et le Niger, le Sénégal et le Tchad entrent dans la liste croissante des pays africains exigeant le départ des troupes françaises de leur territoire. Cette dynamique marque un tournant majeur dans les relations franco-africaines et soulève des questions sur la position du Gabon, où des bases militaires françaises sont toujours implantées. À quand une décision similaire au Gabon ? Quels pourraient en être les impacts socio-économiques, culturels, politiques et géostratégiques ?
Une fracture historique entre l’Afrique et la France: La demande du Sénégal, qui exige le retrait des troupes françaises, s’inscrit dans un contexte de remise en question des anciennes relations de dépendance entre la France et ses ex-colonies. Ce mouvement s’accélère à mesure que les populations africaines, galvanisées par l’exemple de pays comme le Mali ou le Burkina Faso, exigent une souveraineté accrue et un nouveau partenariat international.
La faillite économique relative de la France, accentuée par une crise énergétique et des déficits budgétaires croissants, semble s’accompagner d’une perte d’influence diplomatique sur le continent africain. Cette double érosion a renforcé la contestation de la présence militaire française, perçue par beaucoup comme une ingérence néocoloniale.
Le Gabon, entre silence et prudence : Contrairement au Sénégal ou au Tchad, le Gabon reste pour l’instant silencieux sur cette question. Pourtant, des voix s’élèvent régulièrement dans le pays pour dénoncer le rôle ambigu de la France, accusée de soutenir des régimes peu démocratiques au nom de ses intérêts stratégiques. La question de la présence militaire française au Gabon est donc une bombe à retardement, qui pourrait éclater à mesure que le climat géopolitique se tend.
Si le Gabon venait à demander le départ des militaires français, les conséquences seraient multiples:
- Impacts socio-économiques : vers une recomposition des partenariats
Négatifs : La France a toujours été un partenaire économique majeur pour le Gabon, notamment dans les secteurs pétrolier et minier. Un départ des forces militaires pourrait refroidir les relations économiques, entraînant une baisse des investissements français dans le pays.
Positifs : Ce départ pourrait ouvrir la voie à de nouveaux partenariats avec des puissances émergentes comme la Chine, la Russie ou la Turquie, qui cherchent à s’implanter davantage en Afrique centrale. Ces nouveaux partenaires pourraient offrir des accords plus avantageux et moins contraignants.
- Impacts socio-politiques : une souveraineté renforcée, mais à quel prix ?
Le départ de l’armée française pourrait être perçu comme un acte de souveraineté nationale, renforçant l’image d’un Gabon maître de son destin. Cependant, cela pourrait également fragiliser le pays sur le plan sécuritaire, notamment face à des menaces transfrontalières comme le terrorisme ou les conflits armés en Afrique centrale.
- Impacts socio-culturels : un regain de fierté nationale
Une telle décision renforcerait le sentiment d’identité nationale, particulièrement chez les jeunes générations qui réclament un changement de paradigme. Toutefois, cela pourrait aussi exacerber les tensions culturelles entre les élites francophiles et une population de plus en plus tournée vers d’autres horizons culturels.
- Impacts géopolitiques : un repositionnement stratégique
Sur le plan géopolitique, un Gabon sans présence militaire française pourrait se tourner vers des alliances stratégiques régionales, comme la CEMAC ou la CEDEAO.
En revanche, ce repositionnement pourrait entraîner une pression accrue de puissances rivales de la France, qui chercheraient à combler le vide laissé par Paris.
- Impacts géostratégiques : une redistribution des cartes militaires
La base française au Gabon joue un rôle clé dans les opérations militaires en Afrique centrale. Son départ pourrait réduire la capacité d’intervention rapide de la France dans cette région stratégique. Le Gabon pourrait chercher à développer sa propre capacité militaire ou à signer des accords de défense avec d’autres puissances.
Comparaison démocratique : Gabon vs Sénégal !
Stabilité démocratique : Le Sénégal, considéré comme un modèle de démocratie en Afrique de l’Ouest, a connu des alternances politiques pacifiques depuis 1960. En revanche, le Gabon a longtemps été dominé par un régime autoritaire sous la famille Bongo, avec des contestations électorales récurrentes et des institutions démocratiques fragiles.
Libertés publiques : Le Sénégal jouit d’une société civile dynamique et d’une presse relativement libre. Au Gabon, bien que des avancées aient été réalisées, la liberté d’expression reste limitée, et les manifestations politiques sont souvent réprimées.
Participation citoyenne: Les Sénégalais s’impliquent davantage dans la vie politique, comme en témoigne leur mobilisation contre certaines lois impopulaires. Au Gabon, l’apathie politique est plus prononcée, en partie en raison de la méfiance envers les autorités.
Un avenir incertain mais prometteur : Le Sénégal, en demandant le départ des troupes françaises, ouvre la voie à une redéfinition des relations entre l’Afrique et l’Occident. Si le Gabon suit cette tendance, il devra s’assurer que cette décision ne fragilise pas sa stabilité économique et politique, mais plutôt qu’elle renforce sa souveraineté et sa capacité à choisir des partenariats stratégiques avantageux.
Le défi pour le Gabon sera de s’inspirer des succès démocratiques et économiques de pays comme le Sénégal, tout en apprenant des erreurs commises dans des transitions abruptes, comme celles du Mali ou du Burkina Faso. Une chose est sûre : l’Afrique francophone n’est plus disposée à accepter le statu quo.