Par Georges Patrick Junior Nzamba
Le référendum du 2 novembre 2024, visant à adopter un projet de loi constitutionnelle, a révélé des dynamiques politiques et sociologiques profondes au Gabon. Avec un taux de participation significatif et un résultat de 91,80 % en faveur du « oui », il est pertinent d’interroger les mécanismes ayant conduit à ce score écrasant et les implications sociopolitiques de cette consultation populaire.
Une campagne organisée par le gouvernement : entre conflit d’intérêts et manque de neutralité : La campagne référendaire a été intégralement pilotée par des membres du gouvernement et des institutions étatiques, soulevant des interrogations sur la neutralité du processus. Ce contrôle direct reflète une continuité avec les pratiques du Parti Démocratique Gabonais (PDG) sous le régime précédent, où l’État servait souvent d’outil pour consolider le pouvoir en place.
Bien que le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) ait promis des réformes démocratiques, son rôle dans l’organisation de cette campagne met en doute sa capacité à garantir des élections impartiales. Cela rappelle la collusion historique entre l’État et le PDG, où les ressources publiques étaient mobilisées pour assurer le triomphe de l’agenda du pouvoir.
Des fonds controversés : 27 milliards de FCFA pour le « oui »: Pierre-Claver Maganga Moussavou, ancien vice-président de la République, a affirmé que 27 milliards de FCFA ont été alloués à la promotion du « oui ». Cette somme colossale soulève des questions sur son origine et sa destination exacte. S’agit-il de fonds publics ou de contributions privées ? Si ces ressources proviennent de l’État, cela constitue une violation de l’équité électorale et renforce l’idée d’un processus biaisé en faveur des partisans du « oui ».
Une campagne asymétrique : les voix du « non » réduites au silence : Les partisans du « non » ont été quasi-inexistants dans les médias publics et privés, tandis que les campagnes en faveur du « oui » ont dominé l’espace public. Cela reflète une asymétrie dans l’accès aux ressources et aux plateformes de communication, rendant difficile une expression pluraliste des opinions. Cette absence de débat contradictoire mine la crédibilité d’un scrutin censé représenter la volonté populaire.
Une sociologie des résultats : 91,80 % de « oui » : Le score écrasant en faveur du « oui » n’est pas sans rappeler les résultats massivement favorables aux référendums et élections organisés sous les régimes autoritaires. Ce chiffre interroge sur la liberté réelle des électeurs face aux pressions sociales, économiques et politiques. Dans un contexte où l’État contrôle les institutions et les ressources, voter « non » peut être perçu comme un acte de défiance risqué.
Les dessous du référendum : entre manipulation et contrôle : Plusieurs facteurs suggèrent que ce référendum n’a pas été une simple consultation populaire, mais un outil pour légitimer des réformes constitutionnelles favorisant le maintien du pouvoir. Les ressources financières, la mainmise gouvernementale sur l’organisation et le manque de transparence illustrent une continuité des pratiques clientélistes et patrimoniales.
Un miroir des pratiques passées : Malgré le changement de régime avec le CTRI, ce référendum semble reproduire des dynamiques politiques héritées de l’ère PDG. Pour garantir un véritable renouveau démocratique, il est impératif de repenser les mécanismes électoraux, d’assurer une séparation claire entre l’État et les campagnes électorales, et de promouvoir un véritable pluralisme.
Le Gabon peut-il briser ce cycle et bâtir une démocratie où chaque voix compte équitablement ? Le temps et les réformes futures répondront à cette question cruciale.