Par Georges P. Junior Nzamba

Le mercredi 16 octobre 2024, une scène choquante s’est déroulée à l’échangeur de Nzeng-Ayong. Une jeune Gabonaise, Lee-Saturne Lemindji Nzabi, diplômée de l’Université Omar Bongo et récemment lancée dans l’entrepreneuriat, a vu sa marchandise saisie, sans préavis, par les agents de la mairie de Libreville, en son absence. Cette intervention brutale soulève des interrogations sur la gestion des espaces publics et la répression des petits commerçants !

L’on se souvient que c’est le zèle des agents municipaux de Tunis, en détruisant le plateau de bananes d’un jeune commerçant, qui a mis la Tunisie en branle ! En effet, le jeune commerçant brimé et qui a perdu ses biens, et ne disposant plus de moyen pour nourrir sa mère malade, s’est immolé par le feu. Les manifestations populaires qui ont suivi dans ce pays, ont entrainé la chute du régime Zine el-Abidine Ben Ali, après  23 ans de règne !

Bon nombre d’agents ne cernent pas souvent la gravité du tort qu’ils causent aux usagers.

Interrogée, Lee-Saturne Lemindji Nzabi, explique qu’elle a monté un petit kiosque où sa principale activité est la manucure, pédicure et des tresses. «C’est tout ce que j’ai, pour survivre. Ce matin-là, je n’étais pas sur place quand les agents de la mairie ont tout saisi. Je suis allée les voir pour comprendre pourquoi, mais ils m’ont  simplement dit que je n’avais pas les papiers pour vendre ici», déclare la jeune dame sous le choc et en larme.

«Ils m’ont menacée et exigé des pots-de-vin pour ne pas emporter mon matériel. J’ai commencé à filmer pour me protéger, mais cela n’a rien changé. Ils sont partis avec tout ce que j’avais. Quand j’ai tenté de rencontrer le maire pour exposer ma situation, ils m’ont redirigée vers les secrétaires qui m’ont simplement conseillé de régulariser mes papiers. Mais comment faire sans argent?»

Une action injuste en pleine transition: Dans un pays en pleine transition politique, où les jeunes sont encouragés à entreprendre. Même le Président de la République recevant l’association des jeunes chômeurs, au mois d’août dernier et au regard de leur situation de précarité, avait dû leur remettre une enveloppe de 50 millions de FCFA pour démarrer une petite activité génératrice de revenue.

Au moment où Brice Clotaire Oligui Nguema et son gouvernement font des pieds et des mains, pour rendre les jeunes gabonais autonomes, cette saisie des biens d’une compatriote pose des questions graves. Comment encourager les jeunes à se lancer dans des activités génératrices de revenus, si leur travail est constamment menacé par des actions arbitraires de la part des autorités locales ?

Lemindji Nzabi qui élève seule ses enfants, déclare: «Je suis diplômée de l’Université Omar Bongo. Mais depuis trois ans, je suis au chômage. Sans emploi et sans soutien, j’ai décidé de monter cette petite affaire, pour subvenir à mes besoins. Aujourd’hui, tout ce que j’avais a été emporté, sans aucune autre forme de procès. Comment vais-je nourrir mes enfants?» Elle nous a fait savoir que le père de ses enfants a  terminé aussi ses études à l’UOB et a un master, mais ne travaille pas. « Les bricoles qu’il effectue ici et là,  ne permettent pas de joindre les deux bouts », a-t-elle ajouté.

Les conséquences de la répression sur l’entrepreneuriat informel: Cette situation est loin d’être isolée. De nombreux jeunes Gabonais, diplômés ou non, se tournent vers le secteur informel pour échapper au chômage de masse. Mais plutôt que d’être soutenus ou régularisés, ils sont souvent victimes de répressions abusives. Les agents municipaux, dans leur «zèle» pour faire respecter les règles, négligent souvent le contexte socio-économique difficile dans lequel évoluent ces jeunes entrepreneurs.

Un autre témoin, lui aussi petit commerçant dans la même zone, raconte: «Les agents de la mairie nous font peur. Ils viennent avec des menaces, ils nous accusent de vendre illégalement, mais ils ne nous proposent aucune solution. Si on ne paie pas, ils emportent tout. C’est une forme d’intimidation.»

Un appel à la construction de marchés et à la régularisation: La situation révèle un problème structurel, l’absence de marchés adéquats pour les jeunes entrepreneurs et commerçants informels.

«Si j’avais un espace où je pouvais travailler légalement, je l’aurais fait. Mais il n’y a pas de marché, et personne ne m’a proposé d’alternative, avant de tout emporter », a déploré Lee-Saturne Lemindji Nzabi,

Il est crucial que les autorités municipales reconnaissent la réalité économique de ces jeunes, souvent sans emploi, et qu’elles mettent en place des solutions viables pour les intégrer dans l’économie formelle. La création de marchés accessibles et la facilitation des démarches de régularisation doivent être prioritaires pour éviter de décourager ces initiatives pourtant nécessaires à l’économie locale.

Un cri d’alerte au Président de la Transition: La jeune Lee-Saturne Lemindji Nzabi, lance un appel direct au Président de la Transition, Son Excellence Brice Clotaire Oligui Nguema: «Monsieur le Président, vous avez encouragé les jeunes à se lancer dans l’entrepreneuriat, mais aujourd’hui je suis découragée. J’ai travaillé dur pour monter cette petite affaire, et tout a été pris par les agents de la mairie, parce que je n’avais pas les papiers requis. Comment pouvons-nous avancer, si nous sommes traités de cette manière ? Je vous demande de l’aide, je n’ai plus rien pour subvenir à mes besoins, ni à ceux de mes enfants ! J’ai besoin d’un toit, de soutien pour régulariser ma situation, et d’un cadre pour développer mon activité.»

Lee-Saturne Lemindji Nzabi n’est pas seule. Comme elle, beaucoup de jeunes Gabonais se retrouvent dans des situations précaires, sans emploi et sans soutien. Ce cri d’alarme est un appel à l’action pour que les autorités locales et nationales mettent en place des politiques d’accompagnement et de soutien aux jeunes entrepreneurs.

Une nécessité de réformer la gestion municipale: Il est urgent que les agents municipaux soient sensibilisés à la manière d’agir face aux commerçants informels. Un agent municipal, nous pensons, doit être un pédagogue, le premier conseiller du commerçant et des jeunes entrepreneurs et non un oppresseur !  Au lieu de saisir les biens et de réprimer ces initiatives, ils devraient proposer des solutions, comme l’accès à des marchés ou des subventions pour la régularisation des activités. Les erreurs de gestion de ces agents, souvent fondées sur des pratiques de corruption et de menaces, doivent être dénoncées et corrigées!

En définitive, ce cas met en lumière l’urgence d’une réforme en profondeur des pratiques des administrations locales. Si le Gabon veut réellement soutenir l’entrepreneuriat et offrir des perspectives à sa jeunesse, il est temps de mettre en place des mécanismes de soutien concrets, afin que les efforts de ceux qui souhaitent s’en sortir ne soient pas réduits à néant par des actions répressives et arbitraires.

Ce n’est qu’en travaillant ensemble, avec une vision claire de l’avenir, que le Gabon pourra offrir à sa jeunesse un véritable espoir de prospérité.

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