Par Annie Mapangou

Le docteur Delors Biyogue Bi Ntougou, acteur politique, entrepreneur, ancien candidat à la présidentielle de 2023 et membre du comité constitutionnel national a animé une conférence de presse, très récemment sous le thème : « Avancées, opportunités et défis de la nouvelle constitution », à l’hôtel Hibiscus de Louis.

Le Gabon étant dans une étape très charnière vers son retour à l’ordre constitutionnel, le Docteur Delors Biyogue Bi Ntougou a énoncé lors de sa présentation argumentative trois conclusions du point de vue de l’analyse de la nouvelle Constitution à partir des sept indicateurs des Nations Unies: «La première conclusion est que le nouveau projet de Constitution est porteur d’avancées significatives. La deuxième conclusion est que le nouveau projet de Constitution est porteur de nombreuses opportunités pour la stabilité, la prospérité de notre pays. Enfin, je suis arrivé à la conclusion que le potentiel transformateur de notre constitution ne sera effectif que si nous relevons ensemble un certain nombre de défis. »

Ainsi, par rapport aux avancées, il a déclaré qu’elles sont les différentes avancées que nous avons obtenues grâce à notre Constitution ? … Cher peuple gabonais de ce que j’ai lu à la lumière des indicateurs objectifs, le projet qui vous sera soumis à votre vote, à votre appréciation a pour première avancée le renforcement de la structure de la représentation politique… Aujourd’hui, l’article 6 au paragraphe 2 du nouveau projet, parle de l’égal accès des femmes, des hommes, des jeunes, des personnes vivant avec handicap au mandat électif… Donc, du point de vue social, il y a accroissement de la participation des groupes vulnérables… L’article 7 de la constitution prévoit désormais que la société civile devient une composante de l’expression démocratique pluraliste et participative. Aucune constitution africaine ne reconnaît ce droit à la société civile… »

Cette mesure garantie l’efficacité de l’inclusivité à la participation politique du peuple, à travers l’élargissement des catégories d’acteurs. Donc, il n’y a plus que les parties politiques qui ont le monopole dans l’action politique, il y a désormais la société civile qui est reconnue comme telle.

La deuxième avancée est sur le renforcement d’expressions  publiques. C’est-à-dire que si les peuples, par des voies institutionnelles n’est pas entendu dans sa lutte, l’article 22 du projet de constitution prévoit que ‘’Le peuple peut occuper l’espace public pour des rassemblements, des manifestations destinées à faire entendre leurs voix’’.

« Donc, c’est également une innovation qui témoigne justement de la volonté de tous les Gabonais de parvenir à un système démocratique juste et qui ne se limite pas seulement à l’institution, mais qui donne au peuple la primauté sur le reste… Notre Constitution est la seule et premier d’Afrique noire francophone qui reconnaît le droit d’opposition démocratique. C’est dans l’article 6, alinéa 4 de notre constitution. Donc, cette disposition vient mettre fin à toute possibilité d’avoir encore des prisonniers politiques dans notre histoire. Aujourd’hui, l’acteur politique de l’opposition est protégé par la loi. Il ne peut plus faire l’objet des abus de la part de ceux qui détiennent le pouvoir », a-t-il expliqué.

Il a par la suite cité une troisième avancée. « Il y a le règlement définitif de la question de financement des partis politiques. Jusqu’à présent, c’était une simple loi et qui était difficile dans l’application parce qu’elle ne prévoyait pas des mécanismes de revendications… Aujourd’hui, si les partis politiques ne reçoivent pas leur financement, comme cela se doit, ils peuvent avoir recours directement à la Cour constitutionnelle pour réclamer que le paiement de leur financement soit effectif. »

Crédibilité du système démocratique gabonais: La quatrième avancée fait référence au point sur le renforcement de la crédibilité du système démocratique gabonais. Il s’agit de la limitation du nombre des mandats. «On ne peut plus faire plus de 2 mandats. Donc, si nous votons oui à la prochaine Constitution, nous savons que nous ouvrons les portes à l’alternance politique dans notre pays. Il y a l’article 43 qui est renforcé par l’article 169 avec les intangibilités ; on ne peut pas y toucher», a-t-il ajouté.

L’autre aspect qui renforce la crédibilité de la démocratie gabonaise est l’identification du président de la République comme le seul responsable du peuple devant l’exécutif. Poursuivant son propos, le conférencier a dit: «On a toujours eu un exécutif bicéphale donc, le Premier Ministre et le Président de la République. Donc, chaque fois qu’on disait au Premier ministre qu’il n’a pas fait son travail, il disait, je n’ai jamais gouverné. Tous les Premiers ministres que le Gabon a eu ont toujours dit, je n’ai jamais gouverné. Et quand on disait au Président, il disait que c’est le Premier ministre.»

C’est ce genre de gestion qui justifie l’instabilité gouvernementale que le pays a connu durant 14 ans. Le chef du gouvernement était changé tous les 2 ans, sous prétexte qu’il n’était pas bon et empêchait ainsi au Président d’avancer. Désormais, c’est le Président qui répondra seul. Ce genre de gestion constitue une mesure de l’efficacité dans la gouvernance. Un seul responsable.

« Donc, si ça marche bien, c’est lui si ça marche mal, c’est lui. Il ne va plus se cacher derrière le Premier ministre pour dire que ce n’est pas moi qui suis Chef du gouvernement. Le Président de la République est en même temps, Chef du gouvernement. Donc, il va répondre. Voilà, une avancée significative. Il n’y aura plus de flou et de confusion au niveau de l’Exécutif», a-t-il indiqué.

Un autre point par rapport à la crédibilité, c’est l’interdiction de transmission dynastique du pouvoir. «A travers l’article 43 qui parle qu’il n’y a pas de succession de père à fils ou d’époux à épouse. Vous voyez les verrous qui crédibilisent notre système démocratique», a-t-il précisé.

S’agissant de la cinquième avancée, il y a le renforcement des contre-pouvoirs institutionnels. «Particulièrement l’influence du pouvoir Législatif sur le pouvoir Exécutif… A partir du moment où le parlement continue d’exercer le contrôle de l’action gouvernementale, il évalue les politiques publiques, c’est ce que dit l’article 79. Avec comme moyen, les interpellations, les questions écrites, les commissions d’enquêtes, de contrôle et d’évaluation avec obligation de l’Exécutif de fournir au Parlement tous les éléments d’information qui lui sont demandés sur sa gestion des activités publiques… L’article 103 parle du droit d’amendement. Les parlementaires ont le droit d’amender les initiatives proposées par l’exécutif», a-t-il renchérit.

C’est ainsi que le pouvoir Législatif contrôle l’Exécutif. De ce fait, le pouvoir du Président de la République est limité.

«L’autre aspect qui vient renforcer les contre-pouvoirs c’est la possibilité que le Parlement puisse destituer le Président de la République. Donc, le Président de la République est mis en accusation par l’Assemblée nationale et le Sénat », a-t-il ajouté.

La sixième avancée, concerne la constitution qui garantie l’autonomisation du pouvoir Législatif.  Les présidents des chambres et les autres membres des bureaux sont élus par leurs pairs. Ce n’est plus le Président de la République qui désigne le Président de l’Assemblée nationale ni le président du Sénat. Donc, le fait que l’on soit désigné par nos pairs, ne nous est plus redevable vis-à-vis du Président de la République. On n’est complètement libre de tous mouvements par rapport à l’Exécutif. Ensuite, la garantie d’autonomie du pouvoir législatif est également assurée par la restriction du droit de dissolution exercé par le Président de la République sur le Parlement… L’article 62 lui donne des restrictions. Le Président de la République ne peut pas dissoudre le parlement avant deux ans, après sa mise en place… Et, il ne peut le faire qu’une fois par mandat de sept ans», a-t-il expliqué.

Cela ne peut se faire que si et seulement si, il a demandé l’avis, s’il a consulté les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et de la Cour constitutionnelle.

Quant à la septième avancée, sur l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport à l’Exécutif, Delors Biyogue Bi Ntougou a déclaré que : « Le président préside le Conseil supérieur de la Magistrature (CSM) qui se réunit qu’une seule fois l’année pour prendre des décisions. Certes, qui concernent le secteur de la Justice mais, ce n’est pas lui qui rend la Justice. Donc, le juge rend la justice au nom du peuple gabonais. La Constitution dans son article 111 dit que ‘’le pouvoir Judiciaire est indépendant du Pouvoir Exécutif et du pouvoir Législatif, dans le respect des dispositions de la présente Constitution. Les magistrats ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi’’. »

L’Etat de droit : Enfin, la huitième avancée est la garantie de l’indépendance de la Cour constitutionnelle. « Le Président n’est plus désigné par le Président de la République, il est naturellement élu par ses pairs. Et, on a essayé de diversifier la composition de la Cour, le président, ce même juge n’aura le pouvoir que sur les trois qu’il nomme après, il y a les six autres qui pourront faire la différence. Donc, aujourd’hui, nous ne pouvons pas dire que cette Constitution mène notre pays au bord de la rupture et donc le soumettre à des crises», a-t-il mentionné.

La deuxième conclusion de son analyse est axée sur sept opportunités de cette Constitution.  «Cette Constitution est largement favorable à l’État de droit. Parce que de son préambule, aux dispositions transitoires et finales, chaque disposition instaure, impose et protège les droits de l’homme du début jusqu’à la fin. »

La deuxième opportunité, n’est autre que ‘’La nouvelle Constitution met fin à toute forme de barrage ou d’obstruction à l’alternance’’. La troisième opportunité, met fin à l’accaparement de l’espace politique par les seuls acteurs politiques (article 43 au paragraphe 3).

Pour la quatrième opportunité, le conférencier a indiqué qu’ «Une Constitution qui ouvre les portes à la Justice politique grâce à la possibilité de destitution du Président de la République, grâce à l’encadrement du droit de dissolution à l’Assemblée nationale par le Président de la République, grâce au fait que l’influence des autres pouvoirs sur l’Exécutif peut s’exercer à travers le contrôle. »

Il a dit au sujet de la cinquième opportunité, « Une Constitution qui instaure un principe de séparation des pouvoirs prévoyant en même temps les voies de collaboration positives entre les pouvoirs… C’est de l’équilibre avec une collaboration constructive et positive.»

«Une Constitution qui promeut l’indépendance des juges grâce à son article 11. », est la sixième opportunité. «Une Constitution qui met le pays à l’abri des crimes financiers grâce à ses dispositions prévoyant le renforcement du rôle de la Cour des comptes (articles 133 et 134) » vient comme septième opportunité.

L’ancien candidat à l’élection présidentielle de 2023 a indiqué qu’une Constitution qui ressort encore une fois, la justice politique par la constitutionnalisation de financements des partis politiques ; l’instauration du droit de l’opposition démocratique, l’égal possibilité offerte à toutes les catégories sociales d’exercer les mandats électifs.»

La troisième conclusion est centrée uniquement sur quatre défis. Comme défis, il a dit « 1. L’appropriation de la nouvelle Constitution par tous les citoyens gabonais pour qu’ils sachent la défendre, la promouvoir et exiger son application. »

Donc, il est important que chaque citoyen lise cette Constitution afin de s’imprégner, en vue de se poser toutes les questions sur son contenu… « Et donc, la Constitution ne s’applique pas seule, c’est nous qui ferons en sorte qu’elle s’applique », a-t-il ajouté.

2.-Le bon sens des futurs animateurs des trois pouvoirs. «Ce n’est pas parce que c’est le Président de la République qui m’a nommé que je vais être à son service. Parce que le Président de la République ne me nomme pas de lui-même. Le pouvoir de nomination dont il dispose, lui vient de quelque part, il faut bien que j’arrive à un poste par un mécanisme, soit par nomination soit par concours. Mais, le fait qu’il me nomme, il n’a été qu’un passage; ça ne l’instaure pas comme celui devant qui je dois répondre… Nous voulons voir émerger la classe de dirigeants qui démissionnent quand il est sous pression et qui fassent une conférence de presse pour dire que tel m’empêche de faire mon travail… On n’est au service des institutions, de la loi et pas au service des hommes», a-t-il expliqué.

Troisième défi, la prise des dispositions par les futures hautes autorités du pays pour élaborer les lois d’application des dispositions de cette constitution. Il a indiqué: « En lisant la constitution, vous allez voir qu’il y a beaucoup de dispositions où l’ont dit ‘’il y aura une loi d’application’’ ; conformément à la loi. Il faut pondre ses lois. Donc, accélérer le mécanisme, l’alignement de notre cadre législatif à la nouvelle constitution.»

Quatrième défi, le conférencier a déclaré: «Il nous faut une volonté politique à toute épreuve pour faire en sorte que cette constitution soit la seule et unique référence de nos pratiques dans la gestion des choses publiques. Il faut donc que nous nous battions pour la protéger y compris au péril de nos vies.»

Notons que cette conférence a été l’occasion pour ce membre du Comité Constitutionnel national de s’acquitter d’un devoir qui revient à une personnalité de garantir à la presse, le droit à l’information d’une part et, éclairer le choix des compatriotes qui n’ont pas toujours la possibilité d’être en possession des informations qui leur permettent de se prononcer sur leur avenir, d’autre part.

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